Pour Simon Casas, empresa des arènes, "Nîmes n’est pas un business, c’est ma vie"

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  • "On est dans un moment de grâce pour la corrida", estime Simon Casas.
    "On est dans un moment de grâce pour la corrida", estime Simon Casas. Midi Libre - MiKAEL ANISSET
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Stephan Guin

A la veille de la Feria de la San Isidro et juste avant la Feria de Pentecôté à Nîmes, dans ses bureaux madrilènes proches de "sol", Simon Casas a reçu Midi Libre pour évoquer la situation de la tauromachie, la saison 2024 et l’avenir, postulant pour un nouveau bail.

L’inflexion de la fréquentation de 2023 se confirme-t-elle cette année ?

Il existe un renouveau d’engouement comme on l’a constaté à Valencia et à Séville. A Madrid, on devrait faire 17 ou 18 pleins sur la San Isidro et on bat des records de vente de places. A Nîmes, il y a une très forte hausse des réservations. On va remplir les arènes à trois reprises avec le retour de Ponce, la corrida de Castella et Roca Rey, et le rejon avec Lea Vicens et Diego Ventura. Les réservations sur les deux autres corridas sont également excellentes et progressent de 129 % pour la corrida de clôture et de 132 % pour l’autre. On est dans un moment de grâce pour la corrida.

Comment expliquez-vous cette dynamique en France et en Espagne ?

La tauromachie a été relancée par la proposition de loi Caron qui a provoqué le débat. Il nous a rendu service, comme le fait actuellement le ministre de la Culture espagnol, lui aussi de la gauche radicale. Ceux qui attaquent la corrida n’apportent aucun argument nouveau, mais provoquent des interrogations notamment chez les jeunes. Le wokisme essaie de leur imposer une bien-pensance et un mode de vie préréglé. Or, ils sont en quête de repères, de critères de vie et de valeurs existentielles. Si des jeunes sombrent dans la drogue ou la délinquance, ils ne sont pas plus méchants qu’avant. Mais ils ont moins de repères. La société actuelle, les politiques d’éducation et culturelle, la sociologie, font qu’ils cherchent des références. Le torero et la corrida portent l’expression de valeur universelle comme le mystère, le partage, le dépassement de soi, l’engagement ou le courage. On trouve toutes les classes sociales dans une arène, mais dans les minutes de grâce, avec le toro roi et le torero héros, se crée un ballet qui relève de la tragédie grecque, du rituel et du magique. Ces émotions touchent la jeunesse. Ainsi, la fréquentation augmente et la moyenne d’âge du public baisse considérablement.

Un communicant qui représente la tauromachie est-il nécessaire comme vous l’avez été dans les années 80 et 90 ?

Il faut le souhaiter. Mais dans toutes les activités, on n’impose pas les bonnes paroles. Elles surgissent de qui que ce soit et sont toutes complémentaires. Tous les gens qui aiment la corrida doivent expliquer et transmettre pourquoi ils sont attachés à cette culture. On n’aime pas la violence, ni la maltraitance animale et nous ne sommes pas des barbares. La corrida est un rituel extraordinaire au sens propre du terme. L’animal est respecté car le toro brave a, dans sa nature, la pulsion du combat et on ne le force pas. Certes, il va mourir comme vous et moi. Mais il aura eu une vie exceptionnelle en comparaison des autres bovins, dans son environnement naturel, et il va mourir dans la gloire. Ce message subliminal est capté par la jeunesse en quête de valeur : le sens de la vie. C’est l’animal qui va le révéler en étant libre par rapport à sa nature et sa culture. Le toro est par nature agressive et c’est un symptôme et un symbole culturel. L’artistique et le culturel nous révèlent des vérités par évidence. La tauromachie fait ressurgir des valeurs universelles.

Pour revenir à l’actualité, est-ce une fierté qu’Enrique Ponce fasse son retour à Nîmes ?

C’est une satisfaction car la scène tauromachique nîmoise est privilégiée et les toreros veulent s’engager dans des évènements importants dans leur carrière. Symboliquement, il revient à Nîmes, il devrait faire ses adieux en France à Arles et mettra un point final à Valencia dans sa ville natale.

Pourquoi mettre Castella à quatre reprises à Nîmes avec la richesse de l’escalafon actuel ?

D’abord, c’est une grande figura. On ne pouvait pas imaginer qu’un français soit torero il y a un demi-siècle. Ensuite, c’est l’actualité. En quelques mois, il est le seul à triompher à Séville, Mexico et Madrid où il a connu d’autres paseos exceptionnels. Il a gagné la légitimité pour une telle lumière. Au départ, nous tablions sur trois corridas. Mais avec Sébastien, on voulait une corrida emblématique française. Il sera avec Lea Vicens, qui fait partie du top 3 du rejoneo, et un torero plein d’avenir comme Clemente et les toros de Margé qui sont les triomphateurs de Nîmes en 2023 avec les Gallon. Cette corrida sera l’emblème des 50 ans de tauromachie en France car, avec Alain Montcouquiol, on nous expliquait qu’il fallait avoir du sang espagnol. Maintenant, nous avons des toreros, des subalternes, des impresarios et des éleveurs importants. C’est une corrida emblématique, qui conclue l’histoire de quelques gamins français marginalisés qui ont rêvé l’impossible, car on a maintenant des grandes vedettes dans toutes les activités tauromachiques. On envisage un hommage à Nimeño II. Avec ma génération, nous étions des guérilleros qui ont fait une révolution pour conduire du passé à un avenir imprévisible. Toutes les révolutions ont un martyr et Nimeño II l’incarne car il était un grand torero. Un toro l’a tué et il est devenu éternel avec sa statue devant les arènes de Nîmes. Bien que décédé, il est porteur de l’histoire des toreros français.

Une place est réservée aux français et des toreros révélations comme Adrian. Pourquoi ?

J’applique toujours la même méthode pour construire une Feria. Il faut la présence de toutes les plus grandes vedettes à Madrid ou Nîmes. Toutes seront présentes sur les deux ferias puisque Morante, Luque, Ortega et Mendoza viendront aux Vendanges. Ensuite, programmer tous les toreros français qui ont la légitimité pour figurer à Nîmes. Enfin, vient l’actualité. Fernando Adrian est peu programmé et il sort de deux triomphes à Madrid et vingt grandes portes consécutives. C’est une synthèse de la catégorie maximale de la Feria de Nîmes. Pour revenir sur les Français, on retrouvera aussi le bétail d’un éleveur français, Virgen Maria de Jean-Marie Raymond, et les novillos de Patrick Laugier.

Pourtant des aficionados critiquent une feria 100 % Domecq. Nîmes ne doit-elle pas apporter sa contribution
pour assurer la diversité de la tauromachie ?

J’entends qu’il faille préserver des encastes et vouloir une tauromachie plus dans le combat que dans l’esthétisme. On ne peut pas demander à Rostropovitch de jouer de la clarinette. C’est une autre tauromachie. Pour toréer lentement, avec de la profondeur et pour procurer des émotions, il faut un instrument bien accordé, le toro, dont la charge permet le toreo artistique. Le débat n’est pas torisme ou torerisme, car les statistiques traduisent la prise de risque. Les Domecq donnent le plus de coups de corne. Le danger n’est pas vraiment le toro mais l’engagement du torero. Les élevages Domecq sont les meilleurs. Les Ferrari ou les Chanel n°5 de la tauromachie. Ce n’est pas un choix subjectif mais celui de la qualité.

J’en conviens, on pourrait rajouter une corrida toriste à Pentecôte, mais le nombre de corridas est limité et j’ai voulu mettre en lumière les élevages français. J’ai souvent programmé ce type de toros et je le referai si je gagne le concours. Mais, quand j’organise une corrida toriste, je veux lui offrir un relief particulier. El Juli a pris les Miura à Nîmes. Espartaco, Ojeda et Manzanares père étaient au cartel face aux Victorino Martin et les Miura sous ma direction. Ainsi, on aura un seul contre six de Daniel Luque avec La Quinta aux Vendanges.

Justement, pourquoi postuler à un nouveau bail à Nîmes ?

Je me suis posé la question d’arrêter après 40 ans à Nîmes et je l’ai partagé avec mon entourage. Il se trouve que je suis toujours en forme, apoderado et impresario de Madrid. Il serait stupide de mettre un point final à Nîmes. J’ai alors voulu poursuivre avec la même passion et le principe d’excellence pour cette ville mais dans un autre état d’esprit. Je voulais transmettre. Jusqu’ici, je travaillais en solitaire à Nîmes et je vais m’engager avec des personnes qui pourront ensuite perpétuer le rayonnement de ces arènes. Gilles Vangelisti et Hadrien Poujol étaient mes collaborateurs. Ils seront mes associés. Robert Pilès intègre l’équipe pour boucler la boucle et ses compétences font l’unanimité. On a débuté ensemble et j’aime les belles histoires. Denis Alegrini n’est pas un spécialiste mais il excelle dans l’entreprenariat et la communication qui sont indispensables pour l’avenir.

Je suis ouvert, si j’ai un prochain mandat, je pourrai intégrer tous les individus, pour que Nîmes reste la première arène française et une des plus grandes au monde. Ce serait un mandat de transmission pour faire émerger des talents et créer de nouvelles équipes. Je ne poursuis pas à Nîmes pour l’appât du gain ou de notoriété. Je pourrai vivre professionnellement sans Nîmes. Je ne pourrai jamais vivre sans cette arène au niveau affectif et sentimental. Nîmes n’est pas un business, c’est ma vie.

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Les commentaires (6)
Merienne.34-110 Il y a 9 jours Le 14/05/2024 à 03:03

Ce Mr a un problème ! j'aimerai bien lui couper les oreilles ...et pourquoi pas un bras et un pied peut-être commencerait il a voir les choses autrement ... Le pauvre , aucune conscience et dénué d'humanité...
Vivement la fin des corridas c'est vraiment pénible à la fin ...

Anonyme205159 Il y a 10 jours Le 13/05/2024 à 17:23

Cà ne lui rapporte rien ??? Ah bon Rires

Bougon 30 Il y a 10 jours Le 13/05/2024 à 16:33

Vous torturez un chien, un chat, voire un animal sauvage, vous êtes et à juste titre, poursuivi en justice. Vous torturez un taureau pendant un quart d'heure jusqu'à l'agonie et on vous applaudi.
Parlez moi de l'évolution de l'homme.